Joseph Kabila, le bouc émissaire silencieux du rapprochement RDC–Rwanda ?
Joseph Kabila, le bouc émissaire silencieux du rapprochement RDC–Rwanda ?
Alors que les projecteurs sont braqués sur les récents accords de principe entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, facilités par les États-Unis, un autre jeu se joue en coulisses. Un jeu plus discret, mais aux implications profondes pour l’avenir politique congolais. Dans ce théâtre diplomatique en recomposition, un acteur de premier plan semble progressivement mis à l’écart : Joseph Kabila Kabange, ancien président de la RDC et figure encore influente dans les dynamiques internes du pouvoir.
Par Benjamin Kipoko Mbel
Des accords sous pression internationale
Le contexte est clair : les États-Unis, préoccupés par l’instabilité chronique dans l’Est congolais, ont poussé à une reprise du dialogue entre Kinshasa et Kigali. Washington, tout comme d’autres puissances occidentales, craint une escalade majeure dans la région, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité sous-régionale, notamment en raison de l'activisme du M23 et de l'implication présumée du Rwanda.
Ces efforts diplomatiques, aussi louables soient-ils, impliquent des concessions. Et ces concessions nécessitent souvent des réajustements dans les rapports de force internes. C’est ici qu’intervient la figure de Kabila.
Les propos troublants de Muhoozi Kainerugaba
Tout récemment, une déclaration a mis le feu aux poudres. Le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président ougandais Yoweri Museveni et figure centrale dans l’appareil militaire ougandais, a publié un tweet inattendu, accusant directement Joseph Kabila de jouer un double jeu, voire de trahir la région. Une déclaration loin d’être anodine, compte tenu du poids politique de son auteur.
Ces propos soulèvent plusieurs interrogations. Pourquoi maintenant ? Pourquoi Kabila ? Et pourquoi sur un canal aussi visible que Twitter ? Ce qui était autrefois dit dans l’ombre devient aujourd’hui public. Ce tweet, que certains pourraient prendre à la légère, semble au contraire s’inscrire dans une stratégie de marginalisation programmée.
Kabila, un allié devenu gênant ?
Depuis la fin officielle de son mandat en 2019, Joseph Kabila s’est réfugié dans une posture de retrait stratégique. Mais son influence reste présente, notamment à travers des réseaux militaires, sécuritaires et économiques solidement implantés, notamment dans les provinces de l’Est. Il est également perçu comme ayant maintenu une forme de diplomatie parallèle avec certains régimes de la région.
Dans le nouveau paradigme géopolitique en gestation, cette influence devient un obstacle. Les puissances régionales — particulièrement le Rwanda, l’Ouganda et même certains cercles au sein de l’État congolais — voient en Kabila une figure du passé, mais dont l’ombre continue de peser sur les arbitrages futurs.
Dès lors, le scénario d’un sacrifice politique silencieux devient de plus en plus crédible. Ni procès, ni accusations officielles. Juste un lent processus de délégitimation. Une disparition douce des radars médiatiques, mais brutale dans ses effets stratégiques.
Vers une recomposition des alliances ?
Félix Tshisekedi, dans sa volonté de pacifier la région et de répondre aux attentes de ses alliés occidentaux, pourrait accepter ou même encourager cette mise à l’écart. Ce choix, dicté par le pragmatisme politique, traduirait une rupture symbolique avec les années Kabila et un repositionnement de la RDC comme acteur "fréquentable" dans le nouvel ordre régional que veulent dessiner les États-Unis et leurs partenaires.
La question qui se pose désormais est simple : cette stratégie de marginalisation suffira-t-elle à garantir une paix durable ? Ou sacrifier une figure comme Kabila, sans aborder les causes structurelles du conflit, ne fera-t-il que déplacer temporairement le problème ?
Conclusion
L’ancien président Joseph Kabila ne semble plus faire partie du récit que veulent écrire les grandes puissances autour de la paix dans les Grands Lacs. Sa sortie du jeu, si elle se confirme, illustrera une fois de plus cette vérité brutale de la diplomatie africaine : dans les hautes sphères du pouvoir, on ne se retire jamais, on est retiré.